Le crowdfunding en question !

Voilà déjà quelques temps que le système de crowdfunding avec Kickstarter et Ulule (notamment) a envahit le « petit » monde du jeu de société. À l’origine, il s’agissait d’un moyen pour un auteur ou un nouvel éditeur de faire financer son jeu par la communauté. Déjà, au départ, ce système constitue une sorte de déviance du principe de base du crowdfunding en tirant nettement plus vers la pré-commande que vers un vrai financement participatif qui n’a pas pour but de permettre au « financeur » de retirer quelque chose de son action. Mais, quand il s’agit de produire un objet, on peut comprendre qu’un exemplaire de celui-ci revienne à chaque souscripteur.

Par la suite, on a pu voir fleurir des projets de plus en plus nombreux mais surtout de moins en moins « intimistes ». Comprenez par là que les auteurs, les éditeurs et les intervenants en général ne sont plus d’anonymes quidams à la recherche d’un financement pour un projet qui, sans cela, ne pourrait exister. Ce sont désormais des auteurs ou des éditeurs reconnus, qui mettent en place une véritable stratégie commerciale dans le but de prendre le moins de risque possible et d’en retirer un maximum de profit.

On a déjà parlé de projets comme Zombicide ou même Conan qui n’ont plus rien à voir avec le crowdfunding mais qui utilisent les plateformes sus-mentionnées histoire d’éviter le passage par le circuit classique tout en générant des sommes fabuleuses (et je ne parle pas encore de profits) ce qui prouve qu’ils auraient parfaitement pu être mis en œuvre de manière habituelle. Je viens d’avoir une nouvelle preuve de cette pratique (et je pèse le mot tant cela m’énerve) avec la septième édition du jeu de rôle l’Appel de Cthulhu. Voici donc ce que Sans Détour m’envoie dans sa news letter:

« Lundi 23 février, les éditions Sans-Détour ouvraient le financement participatif de la 7e édition de L’Appel de Cthulhu. En moins de 30 minutes, la souscription battait tous les records d’Ulule en devenant le projet le plus rapidement financé sur cette plateforme ! En 12h00, à peine, la barre des 100.000 € était franchie et plus de 600 souscripteurs avaient rejoint le projet! À 16h00 aujourd’hui, plus de 700 collectionneurs et joueurs nous ont déjà rejoints dans cette grande aventure. Les montants cumulés de leurs souscriptions s’élèvent à plus de 112.000 € ! L’Appel de Cthulhu 7e édition française devient donc le projet le plus financé dans la catégorie « Jeux » de Ulule. »

Franchement, qu’est-ce cela à encore à voir avec le crowdfunding? Comme si l’Appel de Cthulhu était un tout nouveau jeu sans aucune communauté autour de lui pour assurer des ventes confortables! Comme si ce succès n’était pas prévisible! Non, vraiment, je trouve que le système est complètement dévoyé et qu’il n’a plus grand chose à voir avec l’idée même du financement participatif.

Alors, cet état de fait plaira sans doute à un grand nombre, les projets étant édité et les jeux fournis aux souscripteurs à grand renfort de bonus ou des goodies totalement indispensables (mais que les éditeurs n’ont pas trouvés bon de mettre dans la boîte dès le départ comme par hasard). Mais je ne peux pas m’empêcher de penser tout ceci finira par avoir des répercutions sur le monde de l’édition ludique à plus ou moins long terme et je sais déjà que ces répercutions ne me plairont pas. En 10 ans de temps, le monde du jeu a déjà beaucoup évolué, sans doute grâce ou à cause d’internet. J’ai un peu l’impression qu’on se dirige vers un système un peu fou qui part en roue libre sans qu’on sache exactement comment cela va finir à l’arrivée. Mais je suppose que je suis désormais un vieux schnock qui ne comprend plus rien à rien. Tant pis, je continuerai à ne pas participer au système et à me faire plaisir quand j’en aurai envie en me rendant dans ma boutique préférée pour prendre le temps d’une bavette plutôt que d’espérer l’arrivée par la poste d’un jeu pré-commandé plusieurs mois auparavant. À chacun son truc!